Décryptage législatif : confiance judiciaire

Le 25 mai 2021, avec mes collègues députés nous avons adopté en première lecture plus de 100 amendements en séance publique sur le projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire. Ce projet de loi entend rétablir la confiance entre les citoyens et l'institution judiciaire, en premier lieu en leur permettant de mieux connaître la justice et son fonctionnement et en rapprochant l’institution judicaire des citoyens.

LE PROJET DU GOUVERNEMENT

Restaurer la confiance, c’est mieux faire connaitre et comprendre le fonctionnement de la justice en rapprochant l’institution judiciaire des citoyens. C’est également renforcer leurs droits, surtout lorsqu’ils sont confrontés à la justice pénale et mieux préparer la réinsertion des détenus. Tels sont les objectifs poursuivis par le projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire.

C’est pourquoi, à l’initiative du gouvernement, la possibilité de filmer et diffuser les procès est étendue aux auditions, interrogatoires et confrontations réalisés par le juge d’instruction. Un amendement renforce les garanties procédurales prévues au cours des perquisitions en précisant les modalités de la présence de l’avocat. Un autre amendement permet la création d'un pôle unique national dans le traitement des crimes sériels, complexes ou non élucidés (les "cold cases") qui sera désigné par décret, mais sans interdire si cela s’avérait nécessaire la création de pôles, ainsi qu'un fichier central pour ces crimes. Les empreintes génétiques des victimes ou de leur famille pourront être inscrites au fichier national automatisé des empreintes génétiques (Fnaeg).

Par ailleurs, afin de répondre aux revendications des policiers, plusieurs mesures ont été votées sur proposition du gouvernement. La première est la période de sureté portée à 30 ans pour les auteurs de crimes contre un policier ou un gendarme (qui concernait à ce jour seulement ceux commis en bande organisée). La deuxième est la suppression du rappel à la loi comme alternative aux poursuites. Et finalement l’exclusion de l’automaticité de la libération sous contrainte en fin de peine et possibilités de réduction de peine diminuées pour les auteurs de violences sur personnes dépositaires de l’autorité publique.

Toujours sur le nouveau régime de réductions de peine, les députés ont prévu que la fin de peine doit être anticipée pour permettre l’accompagnement des détenus. Le service pénitentiaire d’insertion et de probation devra travailler sur l’évaluation des personnes condamnées en amont et les amener à déterminer des objectifs pour préparer leur sortie.

DES PROCES FILMÉS POUR MIEUX INFORMER LES CITOYENS   

Le texte prévoit que les audiences civiles et pénales puissent être enregistrées pour « motif d’intérêt général ». L’accord des parties est nécessaire lorsque l’audience n’est pas publique. Une fois l’affaire définitivement jugée, les audiences pourront être diffusées sur le service public, toujours dans l’accord et dans le respect des droits des parties (droit à l’oubli, droit à l’image, présomption d’innocence, …). 
Les audiences publiques devant la Cour de cassation et le Conseil d'État pourront également être diffusées en direct de la même manière que le Conseil constitutionnel, après accord des parties.

AMELIORER LE DEROULEMENT DES PROCEDURES PENALES

Les enquêtes préliminaires seront davantage encadrées. La durée de l'enquête préliminaire sera désormais limitée à deux ans, avec une prolongation possible d'un an sur décision du procureur de la République. Pour les enquêtes en matière de délinquance ou de criminalité organisées et de terrorisme, ces durées seront de trois ans et de deux ans.

Par ailleurs, le débat contradictoire sera ouvert dès l'enquête préliminaire. Le suspect et la victime auront un accès facilité au dossier. Le suspect pourra demander à accéder aux procès-verbaux un an après son audition (libre ou en garde à vue) ou une perquisition ou, sans délai, si des médias, faisant état du déroulement de l'enquête, le mettent en cause. Le procureur devra alors lui communiquer le dossier et recevoir ses observations.

UNE MEILLEURE PROTECTION DU SECRET DE LA DEFENSE  

Le secret professionnel des avocats est renforcé. L’article préliminaire du code de procédure pénale est complété afin d’affirmer que "le respect du secret professionnel de la défense est garanti au cours la procédure".

Les perquisitions dans le cabinet d'un avocat, la mise sur écoute de sa ligne professionnelle ou privée et l'accès à ses factures téléphoniques détaillées ne seront dorénavant possibles que si l'avocat est suspecté d'avoir commis ou tenté de commettre une infraction. Les peines encourues en cas de violation du secret de l’enquête et de l’instruction sont quant à elles durcies.

REORGANISATION DES ASSISES ET LA GENERALISATION DES COURS CRIMINELLES

L'organisation des assises est revue avec notamment une audience préparatoire criminelle qui permettra aux parties de s'entendre sur le déroulement du procès (accord sur la liste des témoins et des experts à citer et sur la durée du procès).

Le jury d'assises statuant en première instance est élargi. Le nombre de jurés populaires, qui siègent aux côtés de trois magistrats professionnels, est porté à sept, contrairement au six d’aujourd'hui. Le but est qu'une majorité de jurés soit nécessaire pour condamner l'accusé.

Les cours criminelles départementales, composées uniquement de cinq magistrats professionnels et compétentes pour les crimes punis de quinze ou vingt ans de réclusion, sont généralisées au 1er janvier 2022.

Le texte permet également, à titre expérimental pour trois ans, la participation des avocats honoraires au jugement des crimes en tant qu’assesseurs dans les cours d’assises et cours criminelles.

Un projet de loi organique, également intitulé "pour la confiance dans l'institution judiciaire", tire les conséquences du maintien des cours criminelles sur le statut des magistrats et de la participation des avocats.

Pour renforcer l’efficacité de la répression contre les criminels en série, des juridictions interrégionales spécialisées pour connaître les crimes en série (meurtres, actes de barbarie, viols...) sont instaurées.

LES MESURES SUR LA DETENTION PROVISOIRE ET SUR LES DETENUS

 

Restaurer la confiance dans l’institution judiciaire implique de mieux préparer la réinsertion des détenus et de redonner du sens à la peine, aussi pour prévenir plus efficacement la récidive.

En matière correctionnelle, pour limiter la détention provisoire pendant l'instruction ou dans l'attente du jugement et favoriser le recours au bracelet électronique ou au bracelet anti-rapprochement, le juge devra énoncer, au-delà de huit mois de détention provisoire, les considérations de fait sur l'insuffisance d'une telle mesure.

Les crédits automatiques de réduction de peine accordés à l'entrée en détention, sont supprimés. À la place, à partir du 1er janvier 2023, les juges pourront octroyer jusqu’à six mois de réduction de peine par an aux condamnés pour bonne conduite et qui ont fait des efforts de réinsertion (les cas de terrorisme n’étant pas compris). De plus, une réduction de peine spécifique pouvant aller jusqu’au deux tiers de celle-ci est créée en cas de comportement exceptionnel envers l’institution pénitentiaire (par exemple, si l’un détenu s’interpose en cas d’agression d’un surveillant).

Le projet de loi prévoit également la création d’un statut du travailleur détenu avec un contrat d’emploi pénitentiaire qui remplacera l’acte unilatéral d’engagement qui reliait jusqu'ici le détenu à l’administration pénitentiaire. Ce contrat à temps plein ou à temps partiel pourra être conclu à durée déterminée ou indéterminée et respectera les dispositions du code du travail sur les temps de repos, la durée du travail, les heures supplémentaires...

LES AUTRES DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI

Parmi les autres mesures du projet de loi, est indiqué :

  • un renforcement des procédures disciplinaires des professionnels du droit que ce soient avocats, huissiers de justice, notaires... ;

  • le développement de la médiation (pour les divorces par exemple). Les accords contresignés par des avocats auront force exécutoire sans passer par un juge, après visa du greffe de la juridiction ;

  • une meilleure prise en charge des frais exposés lors d'un procès. Les parties pourront produire les justificatifs des sommes qu’elles demandent au titre des frais exposés, et notamment des honoraires d'avocat, non compris dans les dépenses ;

  • une délocalisation des audiences relatives à de grands procès ;

  • le report de la création de la juridiction nationale des injonctions de payer au 1er septembre 2023.