Décryptage législatif : PLF 2022

Priorité à la relance et à l'investissement, renforcement des missions régaliennes et de l'éducation, déficit public inférieur à 5% en 2022... Que retenir du projet de loi de finances pour 2022, qui s'inscrit dans un contexte marqué par deux années de crise sanitaire et économique ?

Le projet de loi a été présenté au Conseil des ministres du 22 septembre 2021 par Bruno Le Maire, ministre de l'Économie, des finances et de la relance, et par Olivier Dussopt, ministre délégué, chargé des comptes publics. Le texte sera examiné en séance publique par l'Assemblée nationale à partir du 11 octobre 2021.

Le projet de loi de finances (PLF) pour 2022 table sur la dépense et l'investissement pour favoriser la croissance économique. À ce stade, une hausse de 12 milliards d'euros du budget est annoncée pour 2022. L’objectif de dépenses totales de l’État s’établit à près de 495 milliards d'euros.

Les prévisions sur la croissance et le déficit public

La situation des finances publiques s’améliorera en 2022, après deux années marquées par un budget de crise pour répondre aux conséquences de l'épidémie de Covid-19.

La croissance en 2022 devrait être toujours soutenue, avec une prévision de +4% (après un fort rebond de 6% en 2021).

La reprise économique va permettre au déficit public de se résorber un peu plus qu'anticipé. Il diminuera de l’ordre de 3,5 points de PIB, passant de -8,4 % en 2021 à -4,8% du PIB en 2022.

Sous l'effet de la reprise économique et de la baisse du déficit public, le taux d’endettement passerait à 114% du PIB en 2022, contre 115,6% en 2021. Ce chiffre s’explique en particulier par la fin progressive des dispositifs d’urgence pour répondre à la crise.

Par ailleurs, la baisse du taux de prélèvements obligatoires se poursuit. Ce taux, qui représentait 45,1% du PIB en 2017, s'établira à 43,5% en 2022.

Les principales mesures du budget 2022

De nouvelles dépenses pour la croissance

Le projet de budget 2022 poursuit la mise en œuvre du "Plan de relance", avec notamment le renforcement de mesures en matière d’emploi : par le biais de dispositifs de formation aux métiers d’avenir et en accentuant le soutien de l’État à Pôle emploi.

Il poursuit et accélère la transition écologique. Le dispositif de rénovation énergétique des logements, MaPrimRénov', sera prolongé en 2022 pour un coût de 2 milliards d'euros. Le soutien au secteur ferroviaire et au fret est maintenu (en particulier reprise de la dette de SNCF Réseau par l'État). Le développement des énergies renouvelables sera accompagné. En matière de prévention des risques, le budget du fonds de prévention des risques naturels majeurs sera porté à 235 millions d'euros en 2022, contre 137 millions en 2017. Le soutien fiscal aux entreprises de transport maritime et fluvial qui s’engagent dans la transition écologique à l’occasion du renouvellement de leur flotte sera renforcé.

Le PLF 2022 contient aussi les mesures fiscales du plan en faveur des travailleurs indépendants annoncé par le président de la République le 16 septembre 2021. Les délais d’option et de renonciation pour le régime réel d’imposition des entreprises individuelles seront harmonisés et allongés. La transmission d’entreprises sera facilitée. Les entreprises seront autorisées à déduire de leur résultat imposable les amortissements comptables des fonds commerciaux acquis en 2022 et 2023. Le montant du crédit d’impôt en faveur de la formation des chefs d’entreprise sera doublé pour les microentreprises.

Plusieurs priorités gouvernementales à destination des jeunes sont également prolongées :

  • financement de la revalorisation de 1% des bourses sur critères sociaux (coût de 2,4 milliards en 2022) ;

  • déploiement, en vue de sa généralisation, du service national universel (SNU) avec 50 000 jeunes en séjour de cohésion qui seront accompagnés en 2022 ;

  • crédits pour l'accueil d’au moins 200 000 jeunes en mission de service civique en 2022 ;

  • reconduction du dispositif Pass'Sport pour 2022 ;

  • prolongation de six mois, jusqu’en juin 2022, de l’aide exceptionnelle à l’alternance (pour les moins de 30 ans).

En matière sociale, la recentralisation du financement du RSA sera expérimentée pour les départements les plus en difficulté financière qui seraient volontaires. La renationalisation du RSA a été récemment annoncée par le Premier ministre pour le département de la Seine-Saint-Denis.

En matière de handicap, une réforme du calcul de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) entrera en vigueur en 2022 pour soutenir les bénéficiaires vivant en couple aux revenus modestes. Cette réforme consiste en un abattement fixe de 5 000 euros sur les revenus du conjoint non bénéficiaire de l’AAH, majoré de 1 100 euros par enfant. Cette mesure, qui doit conduire 120 000 foyers à bénéficier d’une hausse moyenne de 110 euros par mois, avait été annoncée en juin 2021 par le gouvernement lors de la discussion sur la proposition de loi portant diverses mesures de justice sociale, qui à l'origine prévoyait la "déconjugalisation" de l'AAH.

La lutte contres les violences conjugales bénéficiera de nouveaux crédits en 2022. Seront consacrés aux dispositifs de lutte contre les violences faites aux femmes et contre la prostitution, 28 millions d'euros.

Des amendements du gouvernement viendront compléter le PLF 2022. Ils concerneront en particulier deux mesures annoncées le 12 juillet dernier par le Président de la République :

  • le plan d'investissement pour bâtir la France de 2030, consacré aux filières d'avenir et innovantes, comme l'hydrogène ou les biotechnologies ;

  • la création d'un revenu d'engagement pour les jeunes, destiné aux jeunes de moins de 26 ans sans emploi ou formation.

Un plan "compétences" doit être également présenté. Il s'agit d'un plan de renforcement, d'investissement dans les compétences humaines, la formation, l'insertion des demandeurs d'emploi et des allocataires du RSA.

La poursuite de la baisse des impôts

Les baisses d'impôts des particuliers et des entreprises, décidées avant la crise sanitaire, sont maintenues.

La taxe d'habitation des 20% des ménages les plus aisés sera encore réduite, après une première étape en 2021. Ces ménages bénéficieront en 2022 d’une exonération de 65% de leur taxe. La taxe d'habitation sur les résidences principales sera supprimée pour tous les contribuables en 2023.

Le taux normal de l'impôt sur les sociétés passera à 25% pour toutes les entreprises en 2022. Il s'agit de la dernière étape de la réforme engagée en 2018, dans le but d'améliorer leur compétitivité.

Le remboursement de la dette liée au Covid-19

Un nouveau programme budgétaire "amortissement de la dette de l'État liée au Covid-19", estimée à 165 milliards d'euros, est créé dans le PLF. Il est doté pour 2022 d'1,9 milliard d'euros.

La réforme de la justice financière

Le PLF contient une habilitation à légiférer par ordonnance pour réformer la justice financière et la responsabilité des gestionnaires publics. Cette réforme, annoncée dans le cadre du programme Action publique 2022, interviendra au plus tard le 1er janvier 2023.

L'évolution des budgets des ministères et des effectifs publics

Les moyens des ministères régaliens, de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur sont augmentés en 2022.

Les crédits du ministère de la défense, comme le prévoit la loi de programmation militaire, seront en hausse de 1,7 milliard d'euros. Le budget du ministère de l'intérieur augmentera de 1,5 milliard. À l'issue du "Beauvau de la sécurité", 500 millions d'euros doivent être dédiés en 2022 aux mesures annoncées. Le budget de la justice progressera, pour la deuxième année consécutive, de 8% (soit 700 millions d'euros), en vue de déployer les chantiers immobiliers et numériques du ministère et de renforcer la justice de proximité.

L'éducation nationale, premier poste du budget de l'État, bénéficiera en 2022 d'une rallonge de près de 1,7 milliard d'euros, dont 700 millions pour financer les revalorisations salariales des enseignants. L'investissement dans l'enseignement supérieur et la recherche sera accentué (+ 900 millions d'euros).

Les effectifs des emplois publics de l'État et de ses opérateurs sont restés à un niveau quasi-stable depuis 2017 ( -1 249 postes, soit - 0,05 % des effectifs présents en 2017). En 2022, le solde global des créations et des suppressions d’emplois sera de - 509. Des créations d'emplois sont toutefois prévues dans la police, la justice et les armées.