Décryptage législatif : mes 20 propositions contre l'abstention

LES CAUSES DE L’ABSTENTION

Toutes élections confondues, les scrutins des dernières décennies ont révélé une progression continue de l’abstention.

Lors des élections présidentielles de 2017, l’abstention atteint, avec 25,3 %, un record au second tour depuis 1969. Les élections législatives de 2017 ont constitué, quant à elles, un tournant majeur : pour la première fois depuis 1958 l’abstention a dépassé le taux de 50 % ; 51,3 % au premier tour, 57,36 % au second tour.

Aux élections municipales, le taux d’abstention progresse irrémédiablement depuis les années 1980 ; de 20% à 39% en 2014 ; les 55% d’abstentions aux élections de 2020, qui s’expliquent pour partie par la crise sanitaire.

Les régionales et départementales 2021 ont tout récemment produit un nouveau record avec 66,5% et 65,5% d’abstention aux premier et second tours.

Malgré ces chiffres inquiétants, le vote reste pour les Français au cœur de leur participation à la vie de la Cité. C’est le meilleur moyen d’exercer leur influence sur les décisions prises pour 54% d’entre eux, loin devant les autres moyens d’expression (boycott, grève, manifestation, etc.) d’après le baromètre de la confiance politique du CEVIPOF de février 2020.

La France est fortement touchée par l’abstention, symptôme d’une maladie de la démocratie, mais les Français ont encore confiance dans le principe du vote.

Les citoyens prennent le parti de l’abstention lorsqu’ils ont le sentiment que leur vote sera sans conséquence, ou lorsqu’ils considèrent que les promesses des candidats élus ne seront pas mises en œuvre. Il appartient donc aux responsables politiques de communiquer de manière claire sur leurs actions, et d’appliquer leur programme politique. Il s’agit de renforcer le contrôle démocratique au sein de notre société.

Les abstentionnistes ne sont pas une cause perdue. Ainsi, les campagnes de porte- à-porte pour inciter les personnes à s’inscrire sur les listes électorales ou à voter entraînent en effet une augmentation substantielle de participation. Les actions de mobilisation et d’appel au vote sont à soutenir.

Toutefois, l’abstention est un phénomène qui n’est pas seulement individuel, mais aussi social. Ainsi, plus la CSP d’origine des chômeurs est élevée, plus l’abstention systématique est faible. Il y a un entraînement au sein du couple ; les célibataires ayant moins tendance à se déplacer. La proportion des non-inscrits sur les listes électorales est également deux fois plus forte chez les jeunes, dont le taux d’abstention est supérieur à la moyenne, de même que celui des personnes âgées.

Il s’agit donc de stimuler la participation électorale de ceux qui sont le moins susceptibles de voter.

FACILITER L’INSCRIPTION ÉLECTORALE

En février 2020, 94 % des résidents français en âge de voter sont inscrits sur les listes électorales. 40% des jeunes de 25 à 29 ans ne sont pas inscrits dans la commune où ils résident. Le constat est sans appel : la procédure d’inscription telle qu’elle résulte de notre droit actuel n’est plus adaptée à la réalité de notre société et contribue à l’éloignement des citoyens de la participation électorale.

Le rapport parlementaire de Mme Élisabeth Pochon et M. Jean- Luc Warsmann remis en 2015 révèle que près de 9,5 millions d’électeurs sont alors mal-inscrits ou non-inscrits sur les listes électorales. L’ampleur des chiffres sonne comme une alerte pour la vitalité de notre démocratie. Les auteurs ont également identifié que l’éloignement entre la date de clôture d’inscription sur les listes électorales et la date du scrutin était préjudiciable à l’implication des citoyens dans le processus électoral. Mis en place en 2019, le répertoire national unique (RUE) a permis certaines améliorations, mais des progrès restent à faire.

L’engagement des personnes volontaires dans les bureaux de vote est essentiel et mérite d’être valorisé. Toutefois dans le rapport « L’accessibilité électorale nécessaire à beaucoup, utile à tous » remis le 17 juillet 2014, par la sénatrice Jacqueline Gourault et la députée Dominique Orliac démontre que les assesseurs ne sont pas formés sur l’accueil des personnes en situation de handicap ou malades. Les parlementaires soulignent également le fait que les bureaux de vote ne sont pas adaptés à l’ensemble des électeurs.

MODERNISER LE VOTE

Je soutiens de longue date le vote par correspondance. Supprimé en France au milieu des années 1970, il est utilisé depuis 1957 en Allemagne, où il a été instauré afin de faciliter le vote des personnes âgées ou handicapées. Les élections municipales en Bavière de mars 2020 ont ainsi été organisées par correspondance pour qu’elles puissent se tenir en dépit du contexte sanitaire.

En période de crise sanitaire, il apparaît indispensable de rétablir cette possibilité qui permettrait à de très nombreuses personnes de participer aux scrutins à venir et d’en assurer ainsi la légitimité.

Le vote par internet est une opportunité à saisir pour renforcer la participation. D’autres pays, comme l’Estonie l’ont instauré avec succès.

Les risques de fraude sont limités et ne sont pas plus élevés que pour n’importe quel type d’élection. Toutefois, ce serait un moyen de vote utile, complémentaire au déplacement vers le bureau de vote et nullement obligatoire.

GARANTIR LE PLURALISME

Afin de renforcer l’adhésion des citoyens à la démocratie représentative et renforcer la participation électorale, chacun doit ressentir que sa voix compte. Pour cela, toutes les sensibilités qui traversent le pays doivent être représentées équitablement.

La voix de ceux qui ne soutiennent aucun candidat doit également être entendue. Le vote blanc est le fait pour un électeur d’accomplir son devoir civique en participant au scrutin, mais de refuser d’opérer un choix entre les options qui lui sont proposées ou les candidats en lice, soit parce qu’il n’a pas d’opinion définitivement arrêtée sur la question posée, soit parce qu’il désire exprimer son insatisfaction face aux alternatives qui lui sont proposées.

La reconnaissance ne complique pas le processus de désignation des élus et ne modifie pas l’équilibre de nos institutions.

86% des Français se déclaraient « favorables » à ce que le vote blanc soit considéré comme un suffrage exprimé et qu’il soit pris en compte lors du calcul du résultat des élections présidentielles [mars 2017 - IFOP pour Synopia].

DÉVELOPPER L’ESPRIT CITOYEN

Pour renforcer la participation électorale, encore faut-il que les citoyens soient pleinement informés et intéressés par l’offre politique. Or les modalités de campagne (tractage, réunions) ont été bouleversées par la crise sanitaire, avec pour effet d’amplifier le désintérêt pour les élections.

Par ailleurs, les 18-25 ans sont parmi les plus abstentionnistes. Il convient donc d’inscrire durablement les jeunes citoyens dans le processus électoral, pilier de notre démocratie. Les jeunes sont déjà impliqués dans la vie publique, à travers l’engagement associatif, ou la participation directe à des événements politiques, comme des manifestations lycéennes. Il convient d’aller plus loin, en les accompagnant sur le chemin de la citoyenneté.

ASSURER LA PARTICIPATION DES PLUS FRAGILES

La vitalité démocratique suppose la participation de tous, y compris des plus fragiles, dont l’âge ou le handicap peuvent être un handicap pour aller voter. Comme le rappellent Jacqueline Gourault et Dominique Orliac dans leur rapport remis en 2014, le degré d’avancement d’une société s’apprécie au regard de la manière dont elle traite les plus fragiles de ses membres, et des moyens qu’elle leur donne pour qu’ils puissent faire valoir leurs droits et exercer leur devoir civique comme les autres.

La pandémie de la Covid-19 a freiné la participation des citoyens à la vie démocratique de notre pays, et notamment celle des plus fragiles. En particulier, les élections municipales de 2020 ont été marquées par un taux d’abstention record de plus de 55%, contre 38% en 2014. L’accès au vote des personnes les plus fragiles est ainsi revenu au centre des préoccupations. Plus des 2/3 des abstentionnistes ne sont pas allés voter à cause du coronavirus [IFOP-2020].